ALPHAVILLE – Fascination Godardienne
Au regard de mes études faites dans le cinéma, c’est presque surprenant que je n’aborde que maintenant le cinéma. Le cinéma et moi, c’est une sacrée histoire. En tout cas, suffisamment sacré pour que je décide après moulte réflexion de ne même pas en faire une catégorie dédiée sur le blog. Malgré tout, les occasions pour que je parle sporadiquement du cinéma ne manqueront pas. Je reste, en dépit de ce choix, un grand consommateur du cinéma.
C’est d’ailleurs pour cela que pour ce premier article, j’ai décidé de commencer fort en parlant ni plus ni moins que de mon film préféré. Et cocorico, puisque que non, mon film préféré n’est pas japonais, mais bien français, et il s’agit d’Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution.
Par contre l’affiche japonaise est définitivement la meilleure affiche du film.
Le film est réalisé par quelqu’un qui est bien souvent détesté du public populaire : Jean-Luc Godard.
J’avoue avoir toujours trouvé ça dommage, notamment durant mes études supérieures. Je trouve ses films très inspirants, notamment lorsqu’on se découvre à la réalisation et qu’on cherche à explorer les différents moyens d’expression que peut proposer le cinéma. Jusqu’à ma première année de master, j’ai beaucoup cherché à décortiquer son cinéma, que ce soit dans les différents dossiers que je devais faire comme dans mes réalisations étudiantes. Indéniablement, cela m’a beaucoup appris, autant sur le cinéma que sur moi-même.
Alors, que je vous le dise tout de suite, ce n’est pas moi qui vais vous sortir que je comprends tout de son cinéma. Je suis d’avis que le cinéma de Godard est par définition un cinéma qui échappe. Je trouve ça complètement débile d’essayer de chercher à tout comprendre chez lui. Le cinéma de Godard, c’est avant tout un cinéma de sensation, c’est un tripe. Celui-ci est bien réfléchi, jusqu’à un certain degré parfois extrême, mais ne demande nullement d’être parfaitement compris.
Alphaville est pour ainsi dire bourré de citations, essentiellement littéraires, par une voix récurrente à la voix très perturbante. Bien entendu que je ne connais pas la provenance de toutes ces phrases, et bien entendu que cette voix provoque chez moi un certain malaise. Mais tout ceci créer indéniablement une ambiance que je trouve des plus fascinante. Alphaville, et le cinéma de Godard, c’est du bizarrement fascinant. Et Alphaville est le film du réalisateur qui suscite le plus chez moi cette fascination. C’est un film que je trouve à la fois hautement simple et hautement intelligent.
En dépit d’être un film de science-fiction, tout le film est tourné en décor réel. Les comportements des comédiens et l’éclairage sont les seuls déterminants utilisés pour porter l’histoire du côté de la SF.
Le film utilise abusivement l’exposition bicolore du noir et blanc avec beaucoup de contrastes et de contre-jours. Couplée au cadrage, cette lumière donne un aspect castrateur, surréaliste et menaçant.
Les surcadrages faits à base de lumière sont l’un de mes grands kinks du cinéma.
Le couple Constantine-Karina est autant improbable que merveilleux à l’écran. Ils sont physiquement très différents l’un de l’autre. Cela donne énormément de reliefs à des plans comme celui-ci qui en ont déjà beaucoup.
Pour ce qui concerne le jeu des comédiens, je dirais qu’il est compulsif et fondamentalement absurde, mais toujours en entretenant une étroite relation avec des comportements “normaux”. Ça donne un résultat qui est plus perturbant que concrètement différent à notre réalité.
Le film est souvent mentionné par rapport à cette séquence de couloir où les individus n’arrivent vraisemblablement pas à se tenir debout et sont comme aimanter aux murs.
J’adore cette manière de créer un tel monde fictionnel. C’est une démarche qui provoque chez moi un grand sentiment de proximité. C’est un monde construit à partir d’outils bien plus accessibles et réalisables par tous. C’est l’intelligence de l’image qui prime sur la grandeur du porte-monnaie. Et en tant que défendeur de films faits avec peu de moyens, c’est quelque chose à laquelle je suis très sensible. C’est ça aussi l’esprit de la Nouvelle Vague. Tu as de quoi filmer ? Bon bah let’s go, fais-toi plaisir, on s’en fout du reste. Au contraire, joues de ça.
Mon appréciation pour Alphaville est tout aussi simple que ça. Il est ce film qui représente au mieux les possibilités infinies de raconter n’importe quel type d’histoire à partir d’outils à la portée de tous.