TWIN PEAKS: THE RETURN – Amour nébuleux

Je n’ai pas vu beaucoup de séries jusqu’à présent. Et je trouve ça dommage. Car les rares séries que j’ai vues m’ont beaucoup plu. Et parmi ces dernières, il y a donc eu Twin Peaks.

C’est surtout un concours de circonstance lié à David Lynch. J’aime bien ce réalisateur et son cinéma. Donc ça m’a naturellement emmené à découvrir cette série qu’il a faite avec Mark Frost.
Les deux saisons originales sont inscrites dans l’histoire avec un grand H, ce qui a même eu le don d’intriguer ma famille. Twin Peaks s’avère être aussi de fait l’une des rares séries que j’ai vues intégralement avec eux.
Et le Twin Peaks des deux première saisons s’y apprêtent plutôt bien ? J’imagine que si c’était assez bouleversant à sa sortie, beaucoup de ses codes ont été réintégrés et distillés par la suite. Cela doit être moins perturbant à regarder aujourd’hui. Bien que je pense que son contenu restait quand même assez accessible. Je n’arrive pas trop à percevoir ces saisons-là comme des terrains d’essais. Les moments davantage exotiques interviennent à petite dose autour d’un cadre davantage sage. A la différence de Twin Peaks: The Return ?

Je sais que cette troisième saison a pas mal partagé. J’ai moi-même pu assister à la déception qu’a eue ma famille pour cette dernière. C’est quelque chose qui m’a profondément affecté. Car si j’apprécie aussi les deux premières saisons, c’est surtout cette troisième saison que j’ai retenue.
Je me suis retrouvé dans une situation déplaisante. Twin Peaks était devenu un retour quotidien avec ma famille, et même s’ils manifestaient leurs mécontentements, tout le monde continuait de regarder. C’était très anxiogène pour moi. J’aimais vraiment ce que je voyais, tout en étant sans cesse blessé par les manifestations de ma famille. Il en retourne un bilan étrange, pas si mal trouvé au regard de ce qu’est The Return.

A titre personnel, je trouve que les deux saisons originales se suffisent à elles-mêmes. En faire une suite m’apparaît assez paradoxal. La fin de la deuxième saison se termine bien sur un twist qui pourrait emmener, certes, à une suite ; et des mystères demeurent toujours. Mais ça m’apparaît comme une sorte de fatalité conclusive à l’histoire. Je pense que continuer l’intrigue sur la même lignée des deux saisons serait redondant pour tout le monde.
Dans ce sens-là, je pense que la meilleure chose à faire est de raconter une toute nouvelle histoire qui tire uniquement ses origines de la série. D’autant plus si on sort une suite 25 ans après. Cela ne doit pas être une continuité directe, ni être un exercice de nostalgie. Et ça tombe bien, parce que c’est exactement ce qu’est Twin Peaks: The Return.

Le cœur de l’intrigue n’est plus au même endroit et montre surtout de nouveaux comédiens. Le Twin Peaks des deux saisons est bien toujours là, mais est principalement une ombre qui plane en permanence sur l’histoire. J’adore comment sa présence subsiste sans pour autant beaucoup la montrer.
J’ai la sensation que la ville Twin Peaks est comme dans une autre dimension. Non pas que ses habitants sont bloqués dans le temps, tout le monde a grandi, mais c’est comme si le mal avait tellement ravagé la ville qu’elle était en convalescence. Tout le monde semble fatigué et dépassé par la vie.
Je dirais que la féerie mystique de la ville n’est plus là, et qu’elle n’est pas non plus présente dans les nouveaux lieux de l’intrigue. Comme si son absurdité mystique avait laissé place à l’absurdité du mal.

Cela ne m’étonne pas que cette suite divise. Car elle me semble tellement redistribuer ses cartes. Je pense qu’aimer cette suite, c’est nécessairement aimer une proposition audiovisuelle dissociable de la série originale.
Je pense que cette saison 3 est sujette à faire vivre des émotions similaires aux deux premières saisons, mais par un registre différent. Je dirais que ce qui va émouvoir, ce sont des choses beaucoup plus légères ou beaucoup plus grossières. Par exemple, un sourire d’un enfant ou un meurtre très sanglant. Twin Peaks: The Return me semble clairement plus abrupte.
Mais si ce n’était que ça, je ne pense pas que ça aurait pour autant tant divisé que ça. Non, ce qui bouscule vraiment le plus, c’est sa dramaturgie plastique. C’est une saison qui raconte son histoire en donnant une grande lisibilité aux outils que l’on utilise pour faire des films. Outils dans l’industrie populaire que l’on cherche généralement à faire oublier au profit de l’histoire. Ainsi, cette saison joue, par exemple, avec des cuts bien visibles, des pistes inversées, des maquettes, des images étirées ou encore des sons stridents et déformés… Je trouve que le visionnage de The Return n’est pas forcément confortable et le rapproche de l’essai vidéo à de nombreuses reprises. Le rapport au temps est aussi très singulier. Apparemment, The Return a d’abord été écrit comme un film de 18 heures plutôt que comme une série. Cela aurait le don d’expliquer la place de certaines séquences par rapports à d’autres. Je pense par exemple à une séquence interminable en un seul plan où on voit quelqu’un qui passe le balai pendant une minute.
Et j’aime vraiment beaucoup ça. J’ai toujours aimé les exercices plastiques au cinéma. Cela me stimule énormément. Je suis loin de tout comprendre à chaque fois, mais ça me pose dans une position active face à ce que je vois que j’affectionne beaucoup. Et je trouve cela tout à propos dans cette saison où l’histoire t’invite plus que jamais à réfléchir sur notre monde et sur son état.

Je pense que c’est un objet qui n’aurait jamais pu voir le jour s’il était dissocié de Twin Peaks. Cela ne m’étonne pas que des personnalités du Cahiers du cinéma se soient arraché leurs vêtements sur cette série. C’est quand même une série qui bénéficie d’un grand budget tout en étant très portée dans l’essai cinématographique. Cette suite propulse Twin Peaks dans des contrées inexplorées qui le sont peut-être tout autant pour le cinéma ? Je ne connais pas d’autres films ou séries comme cela en tout cas.
Je trouve que sa singularité sublime vraiment son histoire originale. The Return me semble être un objet à la fois populaire et intimiste, et je pense que c’est pour cela que j’ai mal quand je vois quelqu’un ne pas l’apprécier. J’espère que le temps saura dissoudre ce mal être.
Il a plusieurs fois été suggéré que Twin Peaks reçoive un jour une saison 4. Je ne suis pas certain que cette dernière serait capable de renouer avec les déçus de The Return, mais je serais curieux de voir ce que Lynch et Frost trouveraient à raconter cette fois-ci. Sûrement quelque chose d’encore bien différent.

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