UN HOMME COMME ELLE – Continuer de découvrir quelqu’un comme elle par la fiction
Ce qui m’interpelle d’abord dans la nouvelle Un homme comme elle, c’est d’abord la personne qui l’a faite : Alexis Hoedemaker.
C’est tout bête, mais j’ai d’abord eu connaissance d’Hoedemaker avant de connaître l’existence de cette nouvelle. Je trouve ma rencontre avec elle plutôt rigolote. C’est d’abord quelqu’un que j’ai aperçu de loin sur Mastodon avec ses illustrations, puis que j’ai reconnu sur un stream de Daser. Daser doit être la personne que je suis depuis le plus longtemps sur internet, bien que dans l’ombre. Le monde est vraiment petit. C’est ainsi que j’ai découvert qu’on partageait un amour mutuel pour Kingdom Hearts. Qu’importe l’immensité du monde, le pouvoir des cœurs rapproche… (rire)
Je me suis donc intéressé à cette personne et à ce qu’elle partageait sur internet. Et j’avoue que j’ai dû me poser un peu pour bien saisir. Alexis Hoedemaker se présente à certains endroits comme auteur-illustrateur et traductrice, tandis que dans d’autres elle est illustratrice et traducteur. On retrouve aussi Alexis Hoedemaker sur d’autres noms : A-Key, Ake, Akakeke ou encore Alessia Hoedemaker. Ce ne sont que des noms, mais bien sûr que ça m’interpelle. De mon côté, je suis Elsental qu’importe l’endroit où l’on se trouve.
Cette pluralité dans la manière de se présenter trouve justement écho dans Un homme comme elle. Une histoire où le souhait d’une fille de devenir un garçon se voit exaucé. C’est une transformation qui va faire émerger en elle des questions identitaires. Des questions d’autant mises à l’épreuve qu’elle vit cette transformation aux côtés de sa copine.
Je ne suis pas la personne la plus avertie en matière de queer et de liberté de genre. Bien que je n’ai jamais eu de problèmes avec.
Je suis susceptible de reprocher beaucoup de choses à mon éducation maternelle. Mais s’il y a bien une chose pour laquelle je suis redevable, c’est que ça m’a sûrement permis de toujours trouver normal qu’un homme puisse aimer un homme ou encore qu’une fille se considère davantage comme un garçon. Ce que je vais voir avant tout de quelqu’un, c’est une personne. Pas un sexe, une couleur de peau ou son nombre de jambes.
Le revers de cette affaire, c’est que je n’ai pas vraiment d’armes à revendre sur ce point de vue qui est, hélas, loin d’être partagé par tous. Je me souviens, par exemple, du jour où une amie IRL m’avait fait savoir son changement de sexe. Je lui avais répondu d’un “ça marche” comme je lui en avais déjà sorti plusieurs fois avant. Parce que je suis ok avec ça, je vais pas forcément me mettre à surréagir. Et pour le coup, ça l’avait vexée sur l’instant. Elle s’attendait à plus de réactions, et à un échange sur le sujet ; elle ne m’avait jamais parlé de ce souhait avant.
C’est bien pour ça d’autre part que la question de l’identité d’Alexis Hoedemaker m’a demandé de réfléchir en tant soi peu. Et que j’espère vraiment ne sortir aucune boulette dans cet article.
Sachez d’autre part que, pour respecter la volonté d’Hoedemaker, je ne la désignerai qu’en utilisant le pronom “elle”.
Quand elle a annoncé un tirage physique d’Un homme comme elle, je me suis dit qu’avoir un exemplaire m’ouvrirait plusieurs opportunités. Déjà, je contribue à la création indépendante et je poursuis une rencontre. Mais je touche aussi de près à ces sujets pour lesquels j’ai peu d’outils. C’est un terrain privilégié pour moi de limer ces sujets par une telle nouvelle.
Si elle dessine aussi, Un homme comme elle n’est pas une histoire illustrée. Pour autant, les dessins en couvertures sont bien d’elle.
Elle m’a fait un dessin dédicacé de Muttsurini. Autant dire que je suis aux anges.
La première chose qui m’a marqué, c’est la proximité qu’il y a entre le personnage principal, Micha, et Alexis Hoedemaker. Que ce soit pour le style d’écriture, les pensées ou les actions du personnage. Je ne vais pas sortir que je connais Hoedemaker, mais le peu que je perçois d’elle a vraiment trouvé un écho ici. Sans même parler du thème autour de l’identité, c’est un récit qui m’a donné l’impression de connaître davantage quelqu’un. Ce genre de récit intime me touche beaucoup. Je pense que j’aime vraiment les histoires qui me donnent cette sensation.
L’intimité me semble être même le maître mot d’Un homme comme elle. Les personnages et les lieux sont à côté très abstraits. On ne sait finalement pas grand-chose des endroits où nous sommes, ni des personnes que l’on rencontre. Ce n’est pas vraiment quelque chose qui m’a dérangé, mais je ne peux pas dire que je me suis immergé dans un univers. Immergé dans une tête, ça peut-être plus oui. Tout me paraît très fonctionnel et agencé pour mettre avant tout en scène une réflexion d’Alexis Hoedemaker.
Léa par exemple, m’apparaît plus comme un couteau suisse que comme un véritable personnage. Elle chapitre pas mal les différentes étapes de réflexion de Micha. J’aime l’image du couteau suisse. Au début, j’ai pas du tout apprécié Léa. C’est comme si elle remuait métaphoriquement un couteau dans une plaie de Micha. Mais son évolution amène à donner un nouveau sens à ce coup de couteau. C’est comme si elle finissait par le faire pour retirer une balle logée dans le corps de Micha. Léa-la-couteau-suisse. Je la vois à la fin un peu comme sorte d’ange bonne conscience. Léa-la-couteau-suisse-à-bonne-conscience.
A comprendre que si je trouve le tout très fonctionnel, je trouve que ça marche bien quand même. Et je n’oublie pas que c’est une nouvelle. D’autre part, c’est une histoire qui répond avant tout à ce que je recherchais. Le contrat est donc rempli.
Aussi simple que cela soit donné en termes de développement, je tiens quand même à relever le rapport à la famille. C’est vraiment qu’avec eux que j’ai ressenti la question du regard envers autrui. Je mets Léa à part dans cette histoire.
Ai-je donc obtenu des réponses, des outils pour mieux m’armer sur les questions identitaires ? En vrai, oui et non. La brume subsiste toujours. Remarquez, je ne pense pas pouvoir non plus expliquer avec clarté ma propre identité. Je pense pour autant mieux comprendre comment Hoedemaker se considère et de comment elle perçoit son identité. Avant d’être “garçon“ ou “fille“, c’est le “soi“ qui domine. Et je la rejoins beaucoup sur ça.
D’une gravité moindre, mais je trouve la comparaison rigolote : j’ai un corps génétiquement poilu, mais je ne me suis jamais reconnu dans un corps poilu. Je considère que mon “moi“ est quelqu’un d’imberbe sans poils. Sûrement plus pertinent, je me souviens pas mal au lycée d’avoir eu des remarques sur certains de mes gestes. Des gestes considérés comme féminins pour beaucoup. De mon côté, c’est pas une histoire de faire des gestes de filles ou de garçons, mais de faire des gestes qui me conviennent. Rien n’est vraiment marqué sur le marbre, il y a juste des tendances. Je considère que nous sommes tous différents. Le problème étant que certains limitent et définissent fermement les identités à ces tendances. Ce qui amène des situations où une phrase comme « This guy is my girlfriend and she’s a lesbian » est mal reçue. Et je trouve ça triste.
Un homme comme elle, c’est pour moi une entrée mentale dans une identité, comme il y en a finalement plein d’autres. C’est une identité qui m’est intrigante, parce que je ne connais personne s’identifiant comme cela. J’en ressors toujours avec un certain flou, mais je pense que connaître une manière d’être cela ne se fait pas forcément en quelques minutes. Cela pourrait être une question d’années, voire même de toute ma vie. Ce que me donne cette histoire, c’est une belle énergie alimentant une intrigue plus grande qui n’est pas terminée.