HUNTER X HUNTER – Intention et obligation brouillonne
J’ai cru comprendre que l’appréciation des dessins d’Hunter X Hunter était plutôt fluctuante d’une personne à l’autre. De ce que je comprends, beaucoup reprochent que ses dessins soient trop irréguliers. Enfin, “reproche”, de ceux qui en parlent vraiment, j’ai surtout perçu de la déception de gens aimant d’autre part le manga.
Car oui, c’est un fait, d’une case à une autre, les moyens appliqués dans Hunter X Hunter sont sujets à de grandes disparités. Je pense qu’il est facile de parler de styles différents, ou même de flemmardise. Des cases vont représenter des objets avec énormément de détails tandis que d’autres vont n’être que représentées par de rares et simples lignes. De fait, des dessins vont visuellement être semblables pour beaucoup à des brouillons plutôt qu’à des rendus finaux. Parfois même, l’absence succincte de dessins dans des cases fait aussi ressortir cette impression.
De mon côté, c’est une opinion autre que j’ai des dessins d’Hunter X Hunter. Plutôt que de voir des dessins de qualités variables, je perçois une intention déployée sur une seule et même forme.
Je suis pour le coup même très fan des dessins d’HxH, ou plutôt de la dramaturgie de ses pages. Parce que ouais, des fois, y a juste pas de dessins. C’est un voyage émotionnel assez fort que me fait vivre Yoshihiro Togashi. Si fort que son manga est depuis au moins 15 ans mon préféré.
Si je pense qu’Hunter X Hunter est quand même à ranger dans la case du nekketsu, je pense aussi qu’il s’en émancipe pas mal. Et sûrement qu’il est en partie populaire pour ça d’ailleurs ? En tout cas, comparé à d’autres nekketsu que j’ai lus, la manière dont est travaillé le récit m’apparaît bien différente.
Je dirais qu’il y a une base visuelle reconnaissable sur laquelle Togashi tire régulièrement des grands écarts pour intensifier des passages. Et c’est cette façon de faire qui détermine pour moi son style. C’est ainsi que l’un des moments les plus forts du manga est pour moi un passage où il n’y a littéralement pas de dessins : il y a juste du noir ponctué de petites bulles de dialogues. Le tout emmenant à sa fin à un retour grandiloquent de l’image, avec un grand dessin particulièrement détaillé.
Bon, ça, c’est la façon assez simple de vendre ce qui me semble être sa démarche. Je pense du moins que passer de rien à tout est plus facilement appréciable. C’est quand Togashi joue un entre-deux que son style va davantage interroger.
Je dirais que la base visuelle d’Hunter X Hunter est assez simple comparée à d’autres styles. Les arrière-plans aiment bien être absents, et pas mal de personnages ont peu de relief. C’est une simplicité qui est également sujette à une certaine netteté dans ses traits. C’est une base qui appelle à mon sens à des codes rapidement reconnaissables lorsqu’on lit des manga. Et c’est une simplicité qui est clairement une force pour moi, car elle me semble être la pièce maîtresse qui permet autant de jeux graphiques à Togashi.
D’un point de vue purement chara-design, les personnages du manga n’ont donc pas le même traitement les uns des autres. Comparer le personnage de Gon avec la plupart des autres personnages me semble être le meilleur moyen de s’en rendre compte.
Gon à gauche. Un autre personnage à droite.
De la lecture que j’en ai, Gon est même l’incarnation fondamentale de cette base visuelle sur laquelle le manga repose. Et ça tombe bien, puisque c’est le personnage qui nous est présenté comme le protagoniste principal. Son design, bien plus simple que les autres, dépeint aussi sa simplicité et sa candeur d’esprit comparé à tous les personnages qui l’entourent. Cette différence de caractère, jusqu’à son design, me semble interrogé de manière très concrète durant le manga jusqu’à une scène clé : sûrement l’un des meilleurs moments d’Hunter X Hunter pour beaucoup, y compris moi-même.
De cette base, le manga va donc partir dans deux directions différentes à de nombreuses reprises. Tantôt en étant plus complexe, tantôt en étant encore plus simple. Et c’est naturellement quand le manga tend vers le ”encore plus simple” qu’il est le plus souvent déconcertant. Je trouve que ce bord, qu’on l’apprécie ou non, est très reconnaissable d’autre part. Je le rapproche beaucoup des dessins brouillons de planches.
Ce qui est surtout déconcertant pour moi, c’est que s’il y a bien selon moi une intention à tendre vers le brouillon, je trouve qu’elle rentre à plusieurs reprises en conflit avec les problèmes de santé de l’auteur. Je sais que Togashi a pas mal été sujet à une certaine moquerie vis-à-vis de la qualité de ses dessins. Des choses de l’ordre qu’il préfère jouer au dernier Dragon Quest plutôt que dessiner, ou tout simplement qu’il a la flemme. Aujourd’hui, il est bien plus difficile de dire de telles choses, puisqu’on peut savoir qu’il a bel et bien des problèmes. Les probabilités qu’Hunter X Hunter ne trouve pas de point final de sa plume sont même plus que possible à cause de cela. Mais donc fatalement, la frontière peut être parfois mince entre ces moments où le dessin que nous voyons est une intention et celui où il n’est que la résultante d’un problème de santé. Et qu’on le veuille ou non, ce fait est selon moi une partie intégrante de l’identité visuelle d’Hunter X Hunter.
Ce qui est assez pratique dans les scènes où HxH tend vers l’abstrait, c’est que sorti de leur contexte, c’est pas spoilant (¬‿¬).
Sinon, ces dessins sont issus d’un chapitre bien réputé pour avoir des dessins sujets à débat. Personnellement, j’aime beaucoup !
Le dessin d’Hunter X Hunter, c’est donc tout ça pour moi :
Une base visuelle étudiée méticuleusement et tordue dans de nombreux sens différents, autant par intention que par obligation. Cela a le fruit de me rendre l’expérience d’Hunter X Hunter très humaine. C’est un manga qui m’apparaît bavard en sens, autant par son histoire que par son dessin.
Super article ! on sent que tu es un fan. J’aime les dessins bien sur de Togashi, mais au delas de ça c’est ça mise en page, la façon dont les case sont agencé, la façon dont les perso sortent des cases que j’aime le plus et qui est pour moi sujet a analyse.
Merci, ça me fait plaisir de voir que j’ai pu faire percevoir mon amour pour le manga !
C’est vrai que je me suis surtout axé ici sur la pratique du dessin, mais je te rejoins complètement. Quand je parle de « dramaturgie des pages », je parle de découpage. Je trouve aussi que la force de ces dessins réside dans cela. Ses dessins qui débordent et ses agencements de cases, contribuent tout autant à rendre le visuel d’Hunter x Hunter génial pour moi. Et toutes les scènes que j’aborde dans mon article sont d’autant folles pour ça !