BLUE DRAGON – Version animée
J’ai déjà évoqué Blue Dragon au travers de ma série Obtenir un new game+ “idéal”. Et je ne suis pas prêt de m’arrêter de faire des articles sur ce dernier. J’ai une certaine affection pour Blue Dragon et pour ce qu’il a représenté. C’est clairement la licence qui incarne le mieux cette période de la Xbox 360 où Microsoft avait envie de s’insérer plus sérieusement au Japon. Blue Dragon n’est pas qu’un jeu Xbox, même s’il est essentiellement connu pour ça, c’est aussi un réel projet transmédia. En dehors de ses suites sur Nintendo DS, Blue Dragon, c’est aussi un anime particulièrement conséquent et plusieurs manga. Chacune de ces itérations va proposer sa propre interprétation de l’univers avec des histoires très différentes.
Le manga Blue Dragon : Ral Ω Grad, dessiné par Takeshi Obata (le dessinateur de Death Note, oui oui) ne garde pour ainsi dire que le concept d’ombre. L’univers et les personnages ne partagent strictement rien avec les jeux vidéo. J’en parlerais comme il se doit dans un autre article.
Pour ce qui concerne l’anime, c’est plus subtile, et c’est ce qui le rend attrayant.
Composé de deux saisons pour un total de 102 épisodes, l’anime Blue Dragon reprend autant l’univers que les personnages des jeux pour raconter une histoire complètement alternative. Et j’adore ce choix. Cela donne autant une valeur ajoutée aux jeux qu’à l’anime. Les deux univers coexistent intimement côte à côte, tout en proposant des choses très différentes.
Alors que je vous le dise tout de suite, ce n’est pas pour autant que je trouve l’anime extraordinaire. Je lui reproche même pas mal de choses. Mais je trouve sa proposition intéressante. En fait, je suis surtout étonné qu’un tel anime existe. Blue Dragon reste une licence qui est loin d’être connu de tous. Je suis surpris qu’elle détienne un anime avec autant d’épisodes.
Pour peu de connaître les jeux, les différences avec ces derniers sont particulièrement visibles. Les personnages importants des jeux sont presque tous là, mais ne gardent que très peu l’essence de ces derniers.
Shu est grossièrement le seul du casting principal à ressembler à un personnage des jeux. A côté de ça par exemple, on a un Jiro qui n’est plus l’ami de longue date de Shu et qui ne vient même pas du même village que lui. Il se comporte comme une sorte de Dark Sasuke au passé traumatisant. Ce dernier a perdu sa famille (vivant dans les jeux) suite à des péripéties liées à Nene. Un autre exemple parlant, Marumaro, qui est dans cette monture un pervers voleur de culotte. Celui-ci ne voue plus du tout un amour démesuré pour Zola comme dans les jeux. Aucun personnage n’est pour ainsi dire épargné.
Kluke est le seul personnage à avoir un swap color concret parmi ceux aussi présents dans les jeux, et le choix est… discutable. Je la préfère largement en noir.
Ces changements sont loin d’être déplaisant, mais il est clair qu’on peut en ressortir déçu si on s’attendait à retrouver les mêmes personnages tels quels dans cette version animée. L’inverse est tout aussi vrai si on se découvre aux jeux après avoir regardé l’anime. Le seul truc qui m’a personnellement dérangé avec les personnages de cette version, c’est qu’ils sont beaucoup plus jeunes. Dans les jeux, dès le premier épisode sur 360, les personnages principaux, hors Zola, sont adolescents et en approche de l’âge adulte. Dans l’anime, les personnages, hors Zola, oscillent bien plus autour des 10-11 ans. Si j’arrive à suspendre mon incrédulité sur toutes les intrigues des jeux, j’ai bien plus du mal à le faire avec l’anime. De plus, les interactions et les enjeux qui gravitent autour des personnages entre les jeux et l’anime sont très différents. Dans les jeux, il s’agit bien plus d’une aventure solitaire. Dans l’anime, les enjeux des personnages gravitent bien plus autour d’autres personnages et de communautés. Les personnages ont des plus grandes responsabilités et sont trop considérés comme des personnages beaucoup plus âgés. Le gamin de 12 ans qui est lieutenant et qui t’explique très concrètement qu’il a vécu la guerre comme un vieux, oui, j’ai du mal. En fait, les péripéties des jeux sont beaucoup plus simples là où ceux de l’anime sont plus complexes. C’est à la fois une force et un défaut de l’anime comparé aux jeux. L’anime a une histoire bien plus riche, très clairement, mais celui-ci donnent lieu à des situations plus difficiles à croire. La confiance que donne Shu et d’autres personnages à Zola est plutôt invraisemblable. Pour moi, l’histoire use de beaucoup de facilités scénaristiques pour fonder ses péripéties. Et c’est assez dommage, parce qu’à côté de ça, cela donne des choses charmantes. Le rapport qu’entretiennent justement les personnages avec Zola est diablement plus intéressant que celui des jeux. Et de manière générale, je trouve que les rapports des personnages entre eux sont bien mieux dans l’anime. Les jeux Blue Dragon tendant bien plus vers des développements de surface pour les personnages.
En plus des personnages originaux des jeux, l’anime possède une ribambelle de nouveaux personnages. A mon sens, ils sont loin d’être tous réussis, mais ils nourrissent beaucoup les singularités de cette itération animée. Les nouveaux personnages les plus importants à mentionner sont très clairement Loki et Bouquet.
Si dans l’anime, le conflit que développe Nene n’est tenu que par des robots issus de ses mains, il est à la tête de tout un royaume avec des habitants dans l’anime. Et Loki est un général de l’armée de ce royaume. C’est clairement l’antagoniste que je préfère de tous l’anime. Il est à 10 000 lieux plus charismatique qu’un Nene. Surtout que tout le lore des jeux autour d’une ancienne civilisation avancée est complètement absent de l’anime. Nene en devient juste un méchant pas beau qui veut conquérir le monde. Il n’a aucun développement à la différence des autres antagonistes comme Loki.
L’autre personnage, Bouquet, est d’un tout autre mood. Elle a pour particularité d’être un personnage qui rejoint le casting principal. Elle incarne à bien des égards le léger fan-service érotique dont est pourvu l’anime. Ce n’est pas spécialement un personnage que j’apprécie. Comparativement à un Loki, elle est bien plus en retrait dans l’intrigue. Il y avait matière à faire des choses qui aurait pu me plaire. Celle-ci est raide dingue amoureuse de Shu par exemple, j’aurais aimé avoir un développement autour de ça. Les jeux s’intéressent peu aux relations amoureuses. Une version prenant un autre pli avec les mêmes personnages, ça m’aurait bien plu. La deuxième saison de l’anime semblait d’ailleurs toute trouvée. Sans trop en divulguer, le nombre de personnages principaux se réduit et Shu et Bouquet sont au premier plan. L’occasion rêvée pour développer davantage le personnage. Mais l’histoire n’en fait hélas rien et elle reste éternellement dans l’ombre des autres personnages.
J’aime beaucoup le fait que les personnages changent de vêtements dans la saison 2. C’est quelque chose qui manque pas mal dans les jeux (Shu à gauche, Bouquet à droite).
Sur cette transition des plus subtiles, le concept d’ombre de Blue Dragon est évidemment toujours là, mais pareillement, celui-ci a des caractéristiques qui le différencient des jeux. Dans les jeux, il s’agit d’une matérialisation magique qui se manifeste par un alter ego animal. Dans l’anime, ce ne sont pas des alter egos. Les ombres ont leurs propres personnalités et peuvent parler, et les utilisateurs d’ombre sont des élus pouvant invoquer ces dernières. L’utilisateur et l’ombre peuvent donc avoir des difficultés à s’entendre. L’utilisateur peut finir complètement dépassé par cette dernière et être avalé par elle s’il n’arrive pas à la contrôler. Fondamentalement, cela revient aussi à une maîtrise et une confiance de soi comme dans les jeux pour utiliser pleinement les ombres, mais celui-ci est bien plus complexe. Comme pour faire lien avec l’import d’abord artificiel des ombres dans les jeux, en plus des ombres avec des élus, l’univers de l’anime dispose de toute une industrie de guerre visant à créer des ombres artificiels, cette fois-ci muettent comme dans les jeux. Je trouve que c’est le sujet que maîtrise le mieux l’anime. C’est clairement son plus gros attrait.
Dans l’anime, chaque ombre a sa propre couleur. Seul Blue Dragon reste bleu.
Même si l’histoire tient en ses racines des éléments identiques aux jeux : Nene est toujours là, Jibral aussi, l’intrigue commence également dans un village qui s’appelle Talta… Face à toutes ces différences, l’intrigue s’émancipe très rapidement de ces dernières pour partir dans des contrées complètement originales. Sans trop en dire pour ceux qui voudraient découvrir l’anime, le conflit entre Nene qui est au cœur de tout le jeu sur Xbox 360 est réglé en très peu d’épisodes sur les 102 de l’anime.
C’est à la fois le charme et tous le défaut de cette itération. J’aime beaucoup le fait que cette version ne cesse de s’éloigner de ses similitudes avec les jeux pour raconter d’autres choses. D’un autre côté, au plus celui-ci s’éloigne des jeux, et au plus je le trouve moins bon en termes d’écriture.
La deuxième saison a pour ainsi dire pleins de trucs intéressants, certains personnages ont des relooking, le rapport aux ombres avec les personnages a un nouveau souffle, l’univers est bien plus décrit, les conflits entre les royaumes sont plus riches et moins manichéens… c’est plus que jamais un autre Blue Dragon avec une autre vision. Mais à côté, l’histoire me paraît complètement étirée dans tous les sens, c’est trop long pour rien. La première saison me paraît bien plus homogène dans ses 51 épisodes que ne l’est la seconde.
Malgré mon affect évident pour la licence, il reste difficile pour moi de faire de véritables louanges de cet anime. En tant qu’anime purement, je pense qu’il est vraiment loin d’être un anime fantastique. Je serais même plutôt d’avis qu’il faudrait passer son chemin. 101 épisodes, c’est quand même un sacré investissement. Par contre, pour peu d’être dans l’optique de découvrir la licence sur ses différentes itérations, celui-ci peut être très enchanteur. Ce genre d’initiative n’est pas non plus monnaie courante, et pour peu d’apprécier au moins une des versions de la licence, cela peut être très agréable d’avoir en connaissance les autres.