PRINCESS EVANGILE – Un visual novel séquestré
Si le galge ratisse depuis toujours avec grande ferveur l’univers lycéen, plus rares sont ceux s’attardant autour d’un lycée catholique.
Et le représentant populaire et contemporain de ce cadre plus marginal en Occident est peut-être Princess Evangile. Ce dernier contant l’arrivée inattendue d’un jeune homme laïc dans une académie religieuse, la Vincennes Academy.
Non sans surprise, cette dernière est réservée aux filles (¬‿¬).
D’ores et déjà, Princess Evangile semble donc s’adresser à une niche curieuse de découvrir ou de redécouvrir un organisme scolaire religieux enrobé de sauce moe.
Plus exactement, ce VN déploie son intrigue autour d’un organisme scolaire dont la religion en question est extrêmement minoritaire au Japon (moins de 0,5% de la population d’après Wikipédia).
Si l’Occidental est peut-être à même de rentrer en contact avec Princess Evangile par un type d’univers scolaire qu’il a côtoyé, difficile d’en dire de même pour le japonais qui y verra bien plus un environnement fantasque. Notre protagoniste masculin, Masaya, découvre justement, comme le lectorat majoritaire, un univers qui lui est particulièrement méconnu.
PE a beaucoup d’avis positifs en Occident. J’ai même pu constater que pour pas mal d’occidentaux Princess Evangile était leur premier visual novel. Je vous avoue que ça me surprend pas mal au regard de mon avis mitigé pour ce dernier.
Mais pour le coup, si l’environnement présenté se présente comme un cadre religieux, celui-ci est plutôt en arrière-plan. L’histoire ne tourne pas vraiment autour de la religion.
Elle repose plus sur l’idée que le personnage Rise cherche à appliquer une réforme à l’académie pour ouvrir l’école aux garçons. La première raison officielle donnée derrière cette idée est de pouvoir sauver le déficit financier de l’académie. C’est pour cette raison-là que notre protagoniste masculin principal, Masaya, est recrutée par cette réformiste. Accompagné par la suite de d’autres personnages, Masaya a une année pour convaincre l’école d’élire Rise au poste de présidente du conseil des étudiants pour qu’elle puisse mettre en pratique cette réforme. S’il échoue, il devra partir de l’académie et revenir dans le « bas-monde » (c’est vraiment comme ça que les étudiants nomment ce qui est extérieur à leur école). Et ça c’est moyennement cool, parce que pour Masaya, c’est une aubaine de pouvoir rentrer à la Vincennes Academy. Son père l’a lâché du jour au lendemain avec une grosse dette à rembourser aux yakuzas. Au moins à la Vincennes Academy, celui-ci est protégé de ces derniers. Mais on s’imagine bien que cela ne fait que retarder l’inévitable…
En vrai, l’intrigue se révèle souvent être plus un combat contre des traditions au profit d’une évolution jugée nécessaire pour avancer. PE n’est pas antireligieux mais prône un refus de la staticité des choses de la vie. Finalement, la religion dans Princess Evangile, c’est plus un exemple fort, un cadre, avec ses puissantes traditions, pour évoquer un sujet plus large.
Un cadre dans laquelle s’insère les caractéristiques d’un galge conventionnel. Princess Evangile est avant tout le lieu d’un lycée avec des caractéristiques d’histoires japonaises fantasques comme on en connaît déjà.
Je pense que le fait que la religion ne soit pas une dominante narrative du VN mais juste quelque chose en fond est un facteur qui a pas mal plu. C’est un bonbon original sur une recette qu’on connaît déjà. Un bonbon bonus, qui même si on est étranger à ce dernier, ne devrait pas trop empatir sur le plat de base. Et si à l’inverse on l’apprécie, eh bien c’est un petit plus pour le repas.
Me concernant, je pense que c’est une des premières choses qui a joué sur mon appréciation mitigée. Quitte à manger du galge avec de la religion, j’aurais aimé quelque chose qui l’aborde plus frontalement, quitte à être hermétique. Par exemple, aucune héroïne du VN est croyante. Seule Ritsuko pratique, mais elle perçoit davantage sa pratique comme de la méditation que comme une pratique religieuse. J’aurais bien aimé avoir des points de vue affirmés et différents sur la religion à travers un croisement de personnages, entre religieuses qui ne pratiquent pas, religieuses pratiquantes et laïques.
L’univers qu’on nous conte est donc avant tout celui d’un combat entre traditions et évolutions dans une école religieuse. École coupée du monde mentalement comme physiquement. Rares sont les personnes qui sortent de l’Académie, les entrées et les sorties étant très restreintes. La plupart des filles de l’Académie sont sujettes à une éducation exigeante où les lieux et les personnes qu’elles peuvent voir sont limités. Avant l’arrivée de Masaya, certaines n’avaient même pas vu de garçons. A fortiori, un tel cadre annonce une intrigue séquestrée à certains retranchements narratifs.
Le personnage de la directrice en est la parfaite incarnation. Traditionaliste, elle est contre la réforme de Rise et va chercher à de nombreuses reprises à mettre dans le tort Masaya pour le renvoyer de l’établissement. Son implication dans l’introduction est bien justifiée par la découverte du cadre et par les conflits du MC avec certaines héroïnes dans les 13 chapitres d’introductions.
Par contre, j’ai trouvé que sa prédominance faisait redite dans les chapitres communs et dans trois routes du VN (Rise, Ayaka et Ritsuko). Son caractère et les situations qu’elle engendre me paraissent bien trop similaires à chaque fois. Elle est l’une des grandes vectrices qui enferme tout le long l’intrigue autour de sujets similaires, et dans le mauvais sens.
Couplé cela à un scénario très dépendant d’un calendrier scolaire puisqu’on est la plupart du temps “enfermé” dans l’école. Dans ce genre de contexte, il me paraît important d’avoir des lectures très différentes d’une route à une autre pour les mêmes événements, et je trouve que PE a du mal à me satisfaire de ce côté-là. Il n’y a pas assez de différences. Beaucoup de moments perdent de leurs saveurs puisqu’elles sont prévisibles quant au moins une route a été lu.
En ce sens, la route de Chiho m’apparaît comme la plus singulière étant donné qu’elle essaye un peu de s’émanciper de cela. C’est d’ailleurs intéressant d’observer que sa route est celle la moins appréciée par les adhérents du VN.
Pour ceux qui aiment véritablement PE, cette histoire séquestrée à un cadre semble être justement reconnu comme une qualité. C’est vrai qu’on peut voir la chose à l’envers en appréciant un déroulé identique avec des changements légers. De ce principe-là, pourquoi faire une route comme celle de Chiho qui s’éloigne de ce principe ? Reste qu’en tout cas, c’est la route que j’ai le plus appréciée.
Chiho est donc ma waifu attitrée de Princess Evangile.
Pour rester sur ces histoires de routes, je me suis retrouvé assez frustré de n’avoir que 4 routes différentes là où 9 héroïnes sont pourtant attachées à l’intrigue. Typiquement, je ne comprends pas pourquoi Ruriko n’a pas de route. Pourquoi nous obliger à lire le fandisc W Happiness pour avoir sa route alors qu’elle est carrément l’un des personnages introduits en premier ? Et ce n’est pas une histoire qu’elle est peu présente après, elle est très présente tous le long du VN !
A côté, on a une Ayaka qui débarque très tardivement dans l’histoire et qui a le droit à sa route, c’est très étrange. Elle a tout d’un personnage qui pourrait éventuellement avoir une route dans un fandisc… surtout qu’elle est la soeur de Ritsuko ! C’est-à-dire qu’en plus de n’avoir “que” 4 routes, deux d’entre-elles proviennent de sœurs ! Autant dire que c’est une contribution notable à mon sentiment de manques de différentes d’une route à une autre, puisque forcément, les deux routes sont particulièrement liées.
Pas mal de personnages n’ayant pas de routes ont un potentiel de proposer quelque chose de plus neuf, je trouve ça dommage.
D’ailleurs, Ritsuko a un développement assez étrange. Je la trouve très… mal vendue ?
Sur les 13 chapitres d’introduction, aucune scène ne montre une appréciation concrète à l’égard de Masaya, c’est même plutôt l’inverse. Cela ne présage aucunement une histoire romantique. Or, ce qui fait basculer l’histoire dans une route, c’est un choix en fin d’introduction où Masaya doit choisir pour qui il a le plus de sentiments.
A ce compte, c’est dommage que toutes les routes mènent à une histoire d’amour. C’est moins galge-spirit, mais au vu de ce que montre le personnage en introduction, j’aurais préféré une route basée sur sa posture conservatrice et sur son opposition envers Masaya. En plus, ça aurait justifié la présence de la route d’Ayaka.
Même au niveau de l’écran titre, je trouve que sa bouille n’inspire pas grand-chose. Elle est la seule qui ne regarde pas le lecteur. Elle porte son regard au loin, pas de soucis. Mais je ne sais pas, il y a quelque chose dans son expression qui ne marche pas. J’ai l’impression qu’elle a un regard vide, qu’on lui a débranchée le cerveau. Pourtant, des CG où elle est mignonne, ce n’est pas ça qui manque !
C’est dommage, car sa route n’est pas si mauvaise qu’on pourrait le croire de prime abord, et elle peut se révéler assez attachante. Bizarre que l’on ne puisse s’en apercevoir qu’en rentrant dans sa route.
Genre, y a pas un problème à son visage là ?
Elle a quand même une meilleure bouille là, non ?
Au-delà de ce ressenti étrange, j’ai trouvé que l’introduction était sujette à un ratio assez déséquilibré.
Princess Evangile, c’est 26 chapitres. L’introduction (présentation des personnages et du cadre scolaire) c’est 13 chapitres.
Trois chapitres “communs“ suivent, avec deux dialogues qui peuvent différer selon vos choix… Soit, la moitié du VN.
En fait, j’ai eu la désagréable sensation que le VN n’avait pas le temps de développer avec grande profondeur les personnages. J’aurais aimé avoir un suivi des personnages beaucoup plus longs.
En prenant en compte que les H-Scenes (5 par héroïne) remplissent un temps de lecture conséquent, les routes m’ont vraiment paru brèves.
Petite pensée aux lecteurs qui lisent la version All Ages. Cela doit être encore plus visible dans cette monture.
C’est pénible. Pénible car en dépit de ces éléments narratifs qui me font un peu grogner je trouve que toutes les routes, sans exception, sont tout de même agréable à suivre.
C’est que Princess Evangile reste une curiosité intrigante, bien que je la trouve dispensable. Le cadre que propose l’intrigue reste assez unique pour un VN localisé en Occident.
Adéquatement, le sujet de la langue dans PE est plutôt rigolo. La langue française, c’est une belle langue, non ? En tout cas, c’est bien l’avis de l’académie. Cette dernière tient des origines avec le pays de la baguette et du vin. Et si l’académie est bien au Japon, quelques mots sont empruntés à la langue de Molière, et ça, c’est stylé. Mais ce qu’il est doublement plus, c’est d’être français, de lire une traduction anglaise et d’entendre des Japonaises faisant genre elles prononcent bien le français.
Les noms français proposent des traductions anglaises lorsqu’on clique dessus. C’est le genre de moment où tu te sens bilingue alors que c’est juste ta langue d’origine.
D’un point de vue graphique, celui-ci me laisse un peu de marbre. Mais, indéniablement, Princess Evangile a son identité. Pour peu d’avoir été familiarisé avec, je trouve que son esthétique est reconnaissable. Surtout qu’une boîte de texte bien rose avec des roses partout et une souris en forme de crucifix, ça ne s’oublie pas.
Sans jamais être réellement conquis, j’ai quand même pris un peu de plaisir à découvrir les personnages dessinés et les CG.
Par contre, en ce qui concerne les dessins SD d’Ichiri, je les trouve vraiment choupis. L’expressivité plus forte des traits et des couleurs ainsi que le travail de lumière sur les personnages me charment beaucoup plus. C’est sans doute ces mêmes éléments moins prononcés qui me rendent moins réceptif aux chara-designs normaux.
Quant à la musique. Je l’ai trouvé acceptable. On se souvient de certaines OST à force de les entendre, ce qui n’est pas forcément un point positif… A moins d’apprécier vraiment les pistes, l’énième retour d’une musique gonfle facilement. L’ending souffre de la même chose, puisque c’est toujours le même. L’opening est épargné de ce côté-là. Mais c’est pas pour autant que j’adore ce dernier. J’aurais d’ailleurs aimé que Princess Evangile impose moins ses OST par moments, le VN manque cruellement de moments silencieux.
Au niveau du mixage sonore, ils y a quelques problèmes aussi. Certains bruitages sonores ne s’entendent pas beaucoup à cause de la musique en surplomb et plusieurs musiques s’enchaînent abruptement par moments (l’enchaînement des ost à la fin de chaque route… brrrrr…). Et pour transiter avec les H-Scenes, nous avons le droit à des boucles sonores des filles entrain de faire leurs affaires lorsqu’elles n’ont pas de pistes de dialogues. Une chose que je trouve cool mais qui devient un peu perturbant lorsque ces pistes sonores sont coupées sans fondus par une nouvelle piste de dialogue.
Chaque rapport se déroule en 2 poses différentes.
Les scènes en elles-mêmes sont plutôt bonnes, les poses sont variées et plutôt prudes dans le sens où vous n’y verrez pas de fétiche chelou.
Le gros plus de ces scènes, c’est les premières fois qui sont vraiment bien introduites. On a des préliminaires très mignonnes sur un couple qui s’intéresse à la chose mais qui ne sait pas trop comment s’y prendre. Ça lit des bouquins pour savoir, ça découvre les points sensibles de son partenaire un peu au pif, nan vraiment, j’ai vraiment beaucoup aimé ces parties-là. C’est des rapports étrangement réaliste.
Le post-acte par contre se fait plus discret, cela s’arrête souvent de manière abrupte après une éjaculation. La seule scène postérieure réelle est un – nettoyage de preuve – dans un endroit plutôt exotique pour les protagonistes. Une scène courte mais plutôt drôle.
En fin de compte, j’ai quand même passé un moment assez agréable en compagnie des Filles De La Vincennes. Le voyage n’est en rien inoubliable, mais ne laisse finalement pas si indifférent que cela.
Il y a un – après – assez cocasse dans Princess Evangile. Certains éléments que je trouvais agaçants me sont perçus meilleurs après ma lecture.
Même si je trouvais PE moyen+, j’avais envie de le considérer un peu mieux. C’est sûrement ce qui m’a poussé à prolonger l’expérience avec son fandisc W Happiness.