TEL UN NUAGE BRAVANT LE SOUFFLE TOME 1 – La tête dans un nuage

Ma vie sur le Fediverse n’est sûrement pas des plus agités comparée à certains. Je ne saurais même pas dire si ma présence sur ce dernier est vouée à continuer longtemps. Mais il n’en reste pas moins que c’est un espace qui m’ouvre à de belles rencontres, dont certaines parviennent même à se matérialiser. Jusqu’à présent, j’ai croisé en convention un fan d’Umamusume et j’ai envoyé comme reçu des livres. Ce sont des rencontres qui me sont d’un goût très unique et précieux. Il y a une dimension intime qui me plaît beaucoup. Je suis très honoré d’avoir pu vivre à plusieurs reprises ce type d’expériences.
Alors quand j’ai su que j’allais obtenir dans ce même contexte un volume 1 de Tel un Nuage Bravant le Souffle (TNBS), c’était évident pour moi d’en faire un retour sur mon site !

TNBS, est un roman auto-publié par NemuLumeN. C’est quelqu’un que j’ai découvert assez tôt lorsque je suis arrivé sur l’instance Shelter en 2023. Je l’ai rapidement identifié comme « celui qui écrit un roman à partir d’un lecteur en ligne qu’il a lui-même créé » . J’ai d’abord soutenu sa démarche de façon lointaine. « C’est quand même bien stylé de faire son propre lecteur » , je me disais. Mais je n’allais pas vraiment plus loin. Puis mon intérêt a davantage été piqué par des publications sur son blog où il relate expériences et conseils pour auteurs indépendants. Et oui, il a un blog aussi ! J’essaie pas mal de m’investir envers ceux qui en font aussi sur mon instance. On n’est pas beaucoup à en faire dans notre internet actuel, alors j’apprécie d’autant ceux qui en font. Entretemps, celui-ci avait lancé une campagne de financement pour une édition physique auto-publiée de son roman. Hélas, cela a échoué. Pour autant, cela ne l’a pas arrêté, et il a décidé de quand même en faire des tirages sur ses propres fonds. Cela m’a alors pas mal trotté dans la tête de lire son roman en version papier. L’événement déclencheur vient de l’auteur lui-même qui a fait part de son souhait de donner des volumes en échange d’articles. J’aurais écrit dans tous les cas sur son roman, mais ça a été mon signal pour témoigner de mon envie d’avoir un exemplaire. J’ai même carrément cassé son principe d’échanges, puisque je lui ai donné de l’argent alors que j’étais censé le recevoir gratuitement. Quand je me suis intéressé de plus près aux moyens qu’il avait mis en œuvre autour de son roman, cela m’est apparu comme la moindre des choses.

Nul besoin de payer pour toucher à Tel un Nuage Bravant le Souffle. L’accès au roman en ligne est complètement gratuit et garanti sans publicité. Je mentionnerais également que le récit n’a recours à aucun moment à de l’intelligence artificielle. C’est quelque chose que NemuLumeN met pas mal en avant. Sorti du facteur matériel évident de l’objet, il n’y a pas de différence entre cette version et celle qui est physique. Pour avoir feuilleté après la version en ligne, j’avoue que ça m’a surpris à quel point la version papier me semble fidèle dans sa mise en page.

La mise en page justement, c’est la première chose que je voudrais aborder en termes de contenu sur TBS. C’est quelque chose qui m’apparaît primordial dans un roman. Cela fait partie pour moi des spécificités du roman, et pourtant je trouve que c’est plutôt rare de la voir utilisée à son plein potentiel. La plupart du temps, je trouve que chaque page se ressemble entre les livres. Comme si la beauté d’un livre ne résidait que dans son fond, dans l’intérieur de ses mots. J’ai du mal à être d’accord avec ça. La forme aussi peut servir le fond, non ? Ou apporter quelque chose de distinct ? Je pense que c’est pour ça que j’ai une affection plus forte pour le light novel. Celui-ci m’apparaît plus enclin à jouer avec les formes.
TBS est d’ailleurs aussi présenté par NemuLumeN comme un light novel. Et a adéquatement une mise en page que je trouve plus intéressante. Que ce soit avec la version en ligne ou papier, les pages ont une forme qui m’apparaît singulière. Le cas le plus gros pour moi est ce choix de multiplier les lectures du récit en représentant des écrans relatés par l’histoire. Il y a parfois ensuite des variations en matière de taille de polices comme des mots bénéficient de “sabotages”. Le sabotage le plus récurrent est celui d’un mot brouillé visuellement pour simuler la mauvaise entente d’un mot de la part d’un personnage. Il y en a d’autres plus mystiques où on se demande s’il ne s’agit pas d’erreurs. J’en ai d’ailleurs remonté quelques-un à NemuLumeN, pensant naïvement aider mon prochain. Je me sens un peu bête rétrospectivement. J’ai su après que le récit avait eu pas mal de relectures. Tous ces choix m’ont bien emballé. J’y ai trouvé quelque chose de bien organique. Même si j’avoue que j’aurais aimé que ces choix soient davantage présents dans ce volume 1. Les pages concernées restent minoritaires. Je dirais que TBS ne se vend pas pour ces ponctuations. Certaines d’entre elles arrivent même tard dans le volume.

L’écriture en elle-même, je la trouve chouette. J’ai lu sans ça sans accrocs. C’est du langage plutôt courant, mais ponctué de quelques mots soutenus ici et là. Il y a une grande gestion des paragraphes, et ils sont rarement longs. Ponctué par les variations de la mise en page, c’est une lecture qui m’a été rafraîchissante et où il est facile de se reposer.

Et en vrai, heureusement que l’écriture a cette forme. Car je pense que le récit peut être déstabilisant pour certains. A l’instar de ses ponctuations qui se découvrent tardivement, le récit se dévoile très lentement. Je trouve l’histoire très imprévisible dans ce qu’il raconte. Pour moi, c’est clair qu’on ne peut pas se faire une idée de ce que va être l’histoire avec son début. Toute sa dramaturgie n’est pas présentée. Le lecteur m’apparaît volontairement trompé et mis dans le flou. C’est aussi le cas de l’héroïne, Félicie, mais de façon moindre à nous.
Félicie a grandi dans un souterrain, à l’écart d’un monde ravagé par la guerre. Elle a été éduquée, comme d’autres « pousses » , par un personnel voué à la préparer à la vie en surface. Ce postulat me fait penser à plusieurs histoires. Je pense à Haibane Renmei ou encore à The Promised Neverland. Avec ce genre de références, cela m’a interrogé sur la véracité du lieu et sur ce qui attendait Félicie à l’extérieur. J’ai aussi été interrogé sur les raisons de sortir. Les gens à l’intérieur m’ont l’air sympa. Et puis, il y a toute une archive gigantesque de livres, de jeux ou de films. De quoi vivre pour moi une vie toute épanouie à l’intérieur. Et cet aspect-là n’est pas bien interrogé pour moi dans ce début d’histoire. Tout le monde me semble hype à sortir. Que Félicie le soit ne me pose pas de problèmes, mais que cette interrogation ne soit pas réellement relevée m’a vraiment perturbé. On a bien plus tard quelque chose qui explique le pourquoi du comment, mais c’est bien trop tard à mon goût. Et je pense que c’est assez représentatif d’un reproche dramaturgique que j’aurais à l’histoire. Si je trouve que l’histoire répond plutôt bien aux questions que l’on peut avoir, je trouve qu’il y a des réponses qui sont trop mises en suspension. Je me suis demandé à plusieurs reprises pourquoi Félicie ne s’interrogeait pas sur un sujet, alors que ça m’apparaissait être la chose à réfléchir en premier lieu.
Le point de départ de l’histoire m’a été d’autre part surprenant par le fait que c’est littéralement un point de départ. Nous sommes à peine introduits dans ce lieu confiné avec ses propres codes et ses propres personnages que nous en sortons. Tel un Nuage Bravant le Souffle ne sera pas une histoire sur ce type de lieu. Je pense qu’on peut facilement se dire alors que ce qui nous attend juste après va être le véritable cadre de l’histoire. Mais même là, ce n’est que partiellement vrai. Car TBS va encore changer de cadre à plusieurs reprises. Cela me fait pas mal penser aux basculements dramatiques que l’on peut avoir dans pas mal de récits japonais. Bien qu’ici, cela soit fait dans un sens que je trouve davantage surprenant. En fait, je trouve qu’il y a un côté parc d’attractions dans Tel un Nuage Bravant le Souffle.

J’avoue que cela me donne l’impression d’avoir une histoire qui a des airs d’objet “total”. Comme si l’auteur voulait raconter tout ce qu’il a sur le cœur dans une seule et même histoire. Je trouve que cela a son charme, mais cela repousse sans cesse les bords dramaturgiques de l’histoire.
A la fin de ce volume 1, je ne peux toujours pas dire avec certitudes le squelette de TBS. Il y a bien des liens qui connectent les différents cadres entre eux dans ce volume 1, mais je trouve que le récit passe plus de temps à introduire de nouvelles choses qu’à façonner des racines communes.

C’est ce qui fait que je suis plutôt récalcitrant à parler davantage de l’histoire sortie de son postulat de départ. Je suis d’avis qu’il est plutôt bienvenu de se laisser porter dans l’histoire en en sachant le moins possible. Le résumé officiel en dit même trop à mon goût.
Difficile à déterminer pour moi à quel point cette multiplication de cadres se veut vraiment brumeuse ou non. En tout cas, même si j’y perçois des défauts, la proposition m’est intéressante. J’apprécie ne pas tout comprendre et me laisser porter. Plutôt que d’avoir bravé le souffle, je me suis surtout senti la tête dans un nuage. C’était douillet, bien que je n’y voyais pas clair.

Les différents cadres m’ont tous été intéressants. L’univers et les codes qui sont décrits à chaque fois fonctionnent bien pour moi, et j’en veux encore.
Par cette multiplication de paysages, je pense que chaque lecteur qui a lu le volume 1 doit avoir des moments préférés bien identifiables. Moi personnellement, le moment que j’ai préféré concerne un examen sans compte (ceux qui ont lu le tome comprendront).

Je suis curieux de voir quelle direction va prendre le volume 2. Aucune porte ne semble fermée, et tout me semble possible. Cela attise autant ma curiosité que cela m’inquiète.
Je pense que le récit pourrait continuer à explorer de nouveaux horizons dramaturgiques, mais je lui souhaiterais alors d’établir plus fermement que c’est la dynamique du récit.
Et si cela fait vœu de développer tout ce qui a été introduit dans ce volume 1, je pense que c’est tout aussi bien. Mais même si le volume 2 fait ça, ce n’est pas pour autant que cela m’avance plus sur ce que ça va raconter. Il y a bien quelque chose d’annoncé en fin de volume. Mais je ne trouve pas que cela révèle une finalité ou un propos à l’intrigue.

Dans tous les cas, je sonnerai présent !

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