BLACK CAT – Adaptation animée : Revivre et poursuivre une vie de chat
Quoi que j’en dise, énorme ébauche ou pas, le manga Black Cat, a été un sacré succès. Et comme il est souvent de “tradition” au Japon, quand un manga fonctionne, on l’adapte.
Mais comme je l’ai expliqué dans mon article sur le manga, il n’en reste pas moins que c’est un manga avec une dramaturgie éclatée qui tire énormément en longueur son histoire. C’est aussi compliqué de passer la plupart des chapitres de Black Cat. Même si le récit avance au compte-gouttes, il y a finalement peu de chapitres qui n’apportent strictement rien à l’histoire ou à ses personnages. L’adapter tel quel demanderait de faire un anime avec beaucoup d’épisodes.
Heureusement, peut-être, la production à laquelle a été soumis Black Cat est celui d’une série de 23 épisodes (24, si on compte sa ressortie en DVD). Et une production qui se doit d’adapter tout le manga.
Adapter tel quel en 23/24 épisodes Black Cat n’étant pas envisageable, modifier le matériel d’origine est obligatoire. Autant dire que le travail qu’a fourni Gonzo pour cette adaptation est colossal.
Harmoniser ce joyeux foutoir qu’est le manga Black Cat s’impose donc de lui-même. L’anime Black Cat a pour ainsi dire tout d’un remake. C’est un anime qui répond à la question “S’il fallait refaire Black Cat, comment serait-il ?”. Une question brûlante au regard de son manga qui n’a jamais cherché à corriger son aspect brouillon. C’est un manga qui a par contre fait part de son souhait d’avoir une deuxième partie. Et deuxième partie ne désigne pas forcément une suite, cela peut être une autre vie. Je suis d’avis que cette adaptation animée a complètement été une opportunité pour Kentarô Yabuki de façonner ce qu’il aurait aimé encore faire avec Black Cat de manière concrète.
En souhaitant faire une deuxième partie, Kentarô Yabuki a-t-il déjà imaginé “corriger” Black Cat ? Difficile de penser qu’il n’y a pas réfléchi. A-t-il imaginé raconter des histoires qui ferait suite aux péripéties du manga ? Difficile aussi de penser l’inverse. L’anime Black Cat propose justement autant un remodelage de l’histoire qu’il en apporte une suite originale. Autant dire que cette adaptation ressemble à bien des égards à cette deuxième partie que vend la fin du manga.
Kentarô Yabuki n’est pas le scénariste attitré de l’anime, bien qu’il supervise évidemment son scénario. Plusieurs scénaristes vont travailler dessus et faire la rencontre de Yabuki, notamment Saki Hasemi. Son travail avec le mangaka va être le fruit d’une collaboration encore plus importante après la production de l’anime Black Cat, puisqu’ils vont commencer à s’étaler ensemble sur ce monument de l’érotisme qu’est To Love Ru.
Que ce soit Hasemi ou les autres scénaristes, le travail qu’ils vont fournir sur l’anime est remarquable, et je pèse mes mots. En dépit d’être une relecture complète, il y a un respect énorme pour le manga d’origine. L’anime essaye avant tout de bonifier le scénario initial. C’est à un degré tellement fou que ça ressemble à une glorification. Pour moi, cette adaptation va bien au-delà de la nomination “adaptation”, c’est une amélioration très concrète du manga. C’est sans conteste Black Cat qui s’échappe de sa forme brouillonne. L’anime Black Cat devient Black Cat, et le manga ne devient qu’un brouillon de ce dernier. Dans ce que l’anime change, et dans ce qu’il conserve, parfois au plan et au dialogue près, cela me paraît impossible de ne pas voir la chose ainsi lorsqu’on connaît le manga.
C’est un anime qui enrichit ce qui caractérise Black Cat. Si tu connais Black Cat, il est impossible de ne pas penser à Train sur les toits la nuit, buvant du lait, et à Saya qui chante. Pourtant, rien de tout cela n’est dans le manga. Mais quand tu sors du manga, c’est un ajout tellement pourvu de bon sens, et tellement pertinent au regard du propos du manga que tu l’associes sans problème à ce que représente Black Cat. L’anime va au-delà de l’adaptation, il ajoute très concrètement des choses à Black Cat. C‘est ce que je trouve d’autant plus dingue pour un anime qui doit à côté réussir à adapter l’intégralité du manga.
C’est une adaptation qui entremêle en permanence des ajouts et des changements pour donner tout ce que le manga donnait de manière éclatée.
La modification la plus parlante est le rapport au temps. Celui-ci est particulièrement simplifié. Ici, pas d’affaires de flash-backs donnés à tout va et au compte-gouttes. Tout est raconté au présent. De fait, tout le passage où Train est encore Black Cat chez Chronos dans le manga est le début de l’anime. J’aime beaucoup la période de Train au sein de Chronos, donc autant vous dire que je suis ravi d’un tel choix. Vu que ce n’était que des flash-back à l’origine, l’anime rajoute beaucoup de liens pour que ce ne soit pas une succession d’épisodes indépendants les uns des autres. En même temps, vu qu’il y a tout un manga à adapter, et que le temps est compté, l’anime fait le choix de d’ores et déjà raconter tout l’arc Tornéo durant cette même période. Les rencontres des protagonistes s’en retrouvent changées pour tout le monde, et est beaucoup moins lambda que dans le manga. Je trouve ça très intéressant comment dans cette itération, la rencontre que fait Train avec Sven et Eve joue aussi un rôle dans son évolution qui l’amène à quitter Chronos. Il y a même tout un épisode qui donne une raison à la présence du collier que porte Train en devenant un chat errant. Encore une fois, je trouve que cela bonifie énormément le récit.
J’aime beaucoup les jeux de couleurs qu’on a avec Saya à plusieurs reprises. Cela nourrit vraiment le personnage.
Autre conséquence de ce changement temporel, l’existence des personnages et de leurs pouvoirs au sein du récit est très différente. Beaucoup de personnages et de pouvoirs sont introduits bien plus tôt. Creed maîtrise par exemple dès le début sa lame invisible et les apôtres de l’étoile existent déjà. Des personnages comme Ash ont aussi une apparition. C’est typiquement ce genre d’élément qui témoigne que la lecture qu’ont faite les scénaristes sur le manga est folle.
Dans cette monture animée, le nombre d’informations que livre chaque épisode s’avère de fait très dense, et l’entièreté du manga est adaptée sans accroc. Par contre, ça donne un rythme à l’histoire qui est peut-être trop speedy ! Ça l’est d’autant plus quand tu sors du manga ! Mais c’est sans aucun doute grâce à cette vitesse que l’anime parvient à se donner du temps pour donner de nouvelles choses.
L’anime va couper à plusieurs reprises son rythme effréné pour donner des histoires complètement originales. A l’instar d’Ash, l’anime va donner aux autres personnages beaucoup plus de présences. Rins est par exemple un personnage bien plus présent dans le groupe de Train et des personnages comme Sharden sont mis à l’honneur. Rien d’incroyable non plus, mais c’est terriblement agréable de voir cette adaptation explorer ce que le manga n’avait pas pu explorer. Par contre, même dans ces nouvelles histoires, il n’en reste pas moins que Train fasse toujours de l’ombre à tous ces personnages et les abaisse trop à des personnages secondaires.
Il y a notamment un épisode très mystique et assez étrange où Train se retrouve seul dans un village fortifié en montagne avec un unique habitant. Ce dernier ressemble à Saya, et porte une tenue qui rappelle Iyo de Yamato Gensouki (le premier manga de Yabuki). C’est un moment de solitude pesant qui ramène Train à la raison et l’incite à revenir auprès de ses amis. C’est un épisode qui cumule plein d’éléments étonnants : une femme qui se bat en cachette contre des pilotes de robots, la défense d’un bébé maudit d’un pays oublié, une brume épaisse… C’est peut-être tout un passage où Train rêve, mais rien n’est moins sûr. Le rythme de l’épisode est particulièrement lent et laisse beaucoup de place à la contemplation. J’aime beaucoup son ambiance qui donne du vrai neuf à la série. Et du neuf à la série, c’est ce qui manque au manga original.
Le type de lieu de cet épisode est complètement différent de tous les autres de la série. Cela donne vraiment l’impression d’être dans un autre monde.
Et en parlant de nouveauté, la fin de l’anime fait encore plus fort, puisqu’elle raconte donc une suite complètement originale au conflit avec Creed.
C’est une suite extraordinaire parce que cela donne à Black Cat une évolution et de nouveaux horizons. Le fait que le manga ne tourne qu’autour d’une chose, et toujours de la même manière, est pour moi l’un de ses plus gros défauts. L’arc en lui-même n’est pas extraordinaire, mais donne à voir ce que j’aurais aimé avoir dedans : de nouveaux enjeux et de nouveaux regards sur les personnages.
Dans le cadre de cette suite, pas mal d’événements changent. Certains personnages sont absents, d’autres ne combattent pas. Des changements qui emmènent à une résolution différente que je trouve bien plus satisfaisantes.
Je trouve que cet arc a bien plus des airs de “grand final“, entre l’apparition d’un nouveau danger éminemment plus gros et la réunion de bon nombre des personnages de la série.
Néanmoins, celui-ci ne dure que 4 épisodes, et tout va beaucoup trop vite. Il y a tellement de moments qui durent moins d’une minute et qui auraient mérité d’être le sujet d’au moins un épisode en entier. Je pense notamment à un retour d’un personnage qui aurait été tellement plus cool si cela avait été plus long.
Mais au vu de la réécriture temporelle qu’a fait l’anime, je peux imaginer que ces 4 épisodes sont pourtant le fruit de beaucoup d’efforts. C’est la consécration d’une réécriture qui a permis de donner du temps ici et là. Je pense que c’est déjà une victoire pour l’anime d’avoir réussi à faire une telle histoire originale en 4 épisodes.
Son contenu étant de fait bien moins extraordinaire que sa présence, je trouve que cet arc s’apparente plus à un aperçu fantasmé de ce que Black Cat aurait pu explorer plus amplement s’il avait eu une suite. Au vu de la lecture qui a été faite sur le produit original, j’ai dû mal ici à voir autre chose qu’une envie de donner beaucoup d’amour à un manga resté jusqu’au bout à son état d’ébauche.
Du changement, c’est aussi des petites choses, comme juste avoir des personnages avec de nouveaux vêtements.
J’avoue avoir toujours eu du mal avec le design de Train, mais j’aime beaucoup le style qu’il a dans ce deuxième arc.
Je ressens quelque chose d’assez magique avec cet anime. Il est loin d’être parfait, ses changements n’en font pas non plus une histoire que je trouve extraordinaire. Mais je suis tellement amoureux de tout ce travail qui a été fourni sur un tel manga. J’adore comment celui-ci a été construit. J’aime le fait que ce soit une histoire où on peut facilement entrevoir le récit de ceux l’ayant conçu. D’autre part, cette adaptation est aussi le fruit de la rencontre entre Hasemi et Yabuki, cela a don de nourrir chez moi une affection certaine pour l’objet. C’est un marqueur temporel de la transition de Yabuki vers l’érotisme. Je trouve ça beau que Hasemi apparaisse comme un liant entre Black Cat et To Love Ru.
J’estime que c’est définitivement cet anime qui signe la riche postérité de Black Cat. Il a redéfini le manga et est devenu la représentation d’un univers sans frontière où l’artiste continue de se recueillir année après année. Black Cat est un éternel terrain d’essai qui permet autant de revivre les débuts d’une carrière que de faire le point sur cette dernière.